Un département militant pour une école émancipatrice.

27, mai 2021

Thématique Expressions : éducation

L’école doit être le lieu de l’épanouissement intellectuel, physique, psychique et social et permettre à chaque enfant de grandir dans les meilleures conditions.
L’école, comme le collège et le lycée, a pour objectif l’éducation des citoyens en formant de futurs adultes pour une participation pleine et entière à la société.

Construire l’école pour tous

Notre gouvernement agite le drapeau de l’école « inclusive » qui se doit d’accueillir au maximum les enfants qui s’écartent de la norme : troubles psychiques, autisme, hyperactivité, handicap, situations sociales difficiles, enfants du voyage...


Or, loin de ces discours généreux, la réalité est tout autre : des enseignants sans formation, des personnels et des établissements spécialisés de moins en moins nombreux. L’école inclusive est un sujet sérieux qui ne peut pas se contenter d’être un concept d’affichage. Tous les moyens nécessaires doivent être mis en place pour qu’elle soit une réussite.

Carnets Rouges

Carnets Rouges

 

 

 

 

Notre département doit se montrer militant et appuyer la demande d’une véritable formation et d’emplois pérennes pour mettre fin à la précarité des adultes qui participent à l’école inclusive (Auxiliaires de Vie Scolaire, Accompagnants des Enfants en Situation de Handicap).

Nous réclamons également que le département s’engage d’avantage pour cette mission d’égalité républicaine en augmentant les moyens des Maisons Départementales des Personnes Handicapées pour des délais d’examen des dossiers plus courts et davantage de solutions pour les familles. La formation des enseignants doit de plus être prise en charge. Enfin, le département doit veiller à l’efficacité du transport des enfants handicapés vers leurs établissements.

Transmettre et émanciper

Avec le ministre Jean-Michel Blanquer, l’avalanche de solutions simplistes et de remèdes miracles dévalent sur l’école : méthode de Singapour pour résoudre des problèmes, matraquage des neurosciences, retour de « la méthode syllabique » pour apprendre à lire et de la « dictée ritualisée », retour des « fondamentaux », retour de « l’autorité »…

La montée en puissance des écoles alternatives privées relève parfois de la montée de l’individualisme et de la fascination pour l’entre-soi. Elle répond également à la volonté d’échapper à la mixité sociale et idéologique.
Elle conduit à une homogénéité sociale et s’accompagne de la diffusion de tout un merchandising lucratif.

Mais elle est aussi le révélateur des insuffisances de l’Éducation Nationale.

Il existe pourtant une longue tradition, volontairement ignorée de nos dirigeants, qui rejette le fatalisme et le simplisme. S’appuyant sur l’expérience et les écrits de grands pédagogues comme Célestin Freinet, Fernand Oury ou encore Maria Montessori, cette pratique travaille sur les moyens de transmettre et émanciper en même temps.

L’Education Nationale peine à se montrer attentive aux besoins de tous les enfants et reste sourde à ces pédagogies coopératives.

Karine COURREGE

Mon expérience personnelle des pédagogies alternatives

J’enseigne l’anglais à l’Éducation Nationale depuis 1990.

Porteuse d’un idéal d’école émancipatrice et désireuse de former des citoyens éclairés capables de faire évoluer positivement la société, je me suis vite heurtée aux directives sclérosantes de l’Éducation Nationale, qui, de plus en plus, s’oriente vers des politiques éducatives qui formatent les enfants et leur font perdre le goût d’apprendre et la capacité à innover.

Je me suis donc tournée vers les pédagogies alternatives pour redonner un sens à mon métier. J’ai tout de suite adhéré aux valeurs des pédagogies de Célestin Freinet et Maria Montessori pour leur mise en avant de la coopération pour favoriser la paix dans le monde, du respect de l’autonomie de l’enfant et de la place accordée à toutes les facettes de l’être humain : intellectuelle, manuelle, artistique…

J’ai suivi une formation de 2 ans aux pédagogies alternatives dans l’intention de mettre en œuvre mes nouvelles compétences au sein de l’Éducation Nationale. Étant professeure dans le secondaire, j’ai proposé un projet de collège alternatif expérimental à Jean-Michel Blanquer en 2018.
Malgré une réponse favorable de sa part, le Rectorat de Bordeaux a cependant refusé de donner suite à mon projet. Déterminée et sachant que de nombreux professeurs des écoles utilisent les pédagogies alternatives en école maternelle et élémentaires, j’ai alors tenté d’obtenir un détachement dans le 1er degré, détachement qui, à ma grande surprise, m’a été refusé par deux fois.

 

J’ai alors compris que les pédagogies alternatives n’étaient pas du tout vues d’un bon œil dans l’Éducation Nationale.

Refusant d’y renoncer, j’ai alors pris une disponibilité pour travailler dans une école alternative hors contrat en 2018-2019. J’y ai géré une classe unique de 11 enfants de 6 à 11 ans (CP à CM2), dont certains souffrant d’autisme, de handicaps ou d’hyperactivité et d’autres arrivant abîmés de l’Éducation Nationale. J’étais secondée dans ma tâche par 2 adultes ; le taux d’encadrement était donc extrêmement favorable.

J’ai pu constater que grâce à ces conditions confortables, j’ai pu accompagner chaque enfant en adaptant ma pédagogie à ses particularités et en respectant son rythme. Au delà des compétences purement scolaires, j’ai aussi pu ouvrir les enfants aux joies de l’art, de la musique, du jardinage, du sport, de la cuisine, des langues étrangères avec un enseignement bilingue (matin en français, après-midi en anglais).
Les enfants ont organisé des sorties de A à Z (recherche de sites intéressants, modes de transports, budget, réservations…), ce qui leur a permis d’acquérir de nombreuses compétences et de gagner en confiance en eux.
Nous avons également beaucoup travaillé la coopération, la gestion de conflit, le contrôle des émotions, la philosophie, la méditation, le yoga, compétences essentielles à l’épanouissement d’un être humain.

Cette année-là a été une parenthèse enchantée dans ma carrière et a renforcé ma certitude que les pédagogies alternatives devraient être à la portée de tous les enfants et non seulement à la portée de ceux dont les familles ont les moyens de financer une école hors contrat.

En conclusion, la situation est assez désespérante :

  • D’une part, les écoles hors contrat sont souvent dans une situation précaire financièrement. Leur seul source de financement est en effet l’argent versé chaque mois par les familles (autour de 500 euros), argent qui sert à financer les locaux, le mobilier, le matériel, l’éléctricité, l’eau… et surtout les salaires ! Ils sont par conséquent très bas (salaire minimum) et les enseignants se retrouvent à gérer les heures de classe, les préparations de cours et les corrections, mais également la garderie, l’heure de repas, l’organisation…Personnellement, lors de mon passage par le hors contrat, je travaillais 70 heures par semaine et n’ai jamais pu prendre de vacances. Cette surcharge de travail use les enseignants les plus motivés très rapidement et crée des tensions dans les équipes et des démissions, empêchant la constitution d’équipes stables et efficaces.
  • D’autre part, l’Éducation Nationale, qui a les moyens de financer les pédagogies alternatives, refuse de les mettre en place !

Pour ma part, fervente adepte de l’école publique, j’ai repris mes fonctions au sein de l’Éducation Nationale en septembre 2019 mais je ressens une immense frustration et une grande colère. Je fais de mon mieux mais je sais maintenant qu’il est possible de tellement mieux faire pour offrir à tous les enfants la meilleure éducation possible.

Quel immense gâchis !

 

Le département a un grand rôle à jouer pour offrir aux enfants une éducation de qualité :

– Il doit tout d’abord tout mettre en œuvre pour encourager les pédagogies coopératives au sein des établissements publics.

– Le département doit prévoir des locaux permettant de développer l’autonomie des enfants dans une enceinte sécurisée. Les collèges devraient être conçus de sorte que les élèves puissent être autonomes et participer activement à la vie de l’établissement : cuisine, ménage, bricolage, jardin, achats… Il est aussi nécessaire de financer les projets ou sorties permettant l’émancipation des élèves en les plaçant au cœur de la conception et de la mise en œuvre des projets : programme, budget nécessaire, transports, contacts, réservations…

– Enfin, le département pourrait réfléchir à des partenariats avec des organismes ou associations pour contribuer à l’épanouissement des enfants (relaxation, réflexion philosophique, importance de la nature, gestes de 1ers secours, éducation à l’hygiène et à la santé, sexualité…)

– Le département doit d’autre part faciliter la mise en place au sein des établissements scolaires des projets concrets portés par l’Economie Sociale et Solidaire.

LESPER, partenaire de l'école

Notre département de Gironde peut être précurseur dans le développement de « coopératives scolaires de production »qui amènent les jeunes générations à développer la coopération entre pairs dans le travail productif, l’autorégulation collective et la démocratie dans la production de biens et services qui répondent à des besoins locaux.

 

Pour conclure, nous souhaitons tout mettre en œuvre pour que le département utilise tous les moyens à sa disposition
    • pour favoriser la mise en place d’une éducation émancipatrice.
    • pour former de futurs citoyens préférant la coopération à la compétition et à même d’affronter les défis du monde de demain grâce à leur autonomie, leur créativité et leur sens du bien commun.

Lire aussi :

Manière de voir_ n°177_Les combats de l'école

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