Le 8 mai 1945 marque pour la France, l’Europe et le monde une date fondatrice : celle de la capitulation de l’Allemagne nazie et de la fin de la Seconde Guerre mondiale sur le continent européen. Ce jour-là, les cloches de Notre-Dame sonnent la victoire mais aussi la fin d’un cauchemar de six années, la foule est en liesse sur les Champs-Élysées. Pourtant, derrière les réjouissances, certaines vérités furent étouffées.
Il faut donc rappeler la complexité de cette journée, son importance historique majeure, mais aussi ses zones d’ombres, qui appellent encore aujourd’hui à la vigilance et à la paix.
Une victoire contre la barbarie, portée par le sacrifice des peuples
Cette victoire n’a pas été le fruit du hasard ni d’un sursaut tardif. Elle est l’aboutissement d’une lutte sans merci menée par les peuples alliés contre la barbarie nazie.
Parmi eux, l’Union soviétique a joué un rôle déterminant, souvent oublié ou minimisé.
Encore aujourd’hui, le discrédit de Poutine en Europe servira à escamoter le rôle de l’URSS. Si l’on souligne volontiers le rôle des États-Unis et du débarquement en
Normandie le 6 juin 1944, le tournant décisif de la guerre s’est pourtant joué à l’Est. À Stalingrad, entre 1942 et 1943, le peuple soviétique a infligé à la Wehrmacht sa première défaite majeure : c’est le tournant de la guerre. De Leningrad à Berlin, ce sont des millions de soldats et de civils soviétiques qui ont été sacrifiés dans cette guerre d’anéantissement.
L’Armée rouge a libéré Auschwitz, a porté l’assaut final sur la capitale du IIIe Reich et le 2 mai son drapeau est hissé sur le Reichstag en ruine, 2 jours après le suicide
d’Hitler. Le peuple soviétique a payé le prix fort : plus de 20 millions de morts, des villes rasées, une résistance acharnée. Sans cette mobilisation, sans cette foi dans un avenir libéré du fascisme, la victoire du 8 mai n’aurait pas été possible. Honorer cette date, c’est donc aussi saluer le courage ! Le courage des soldats de l’Armée rouge, des troupes anglo-américaines, canadiennes et australiennes, des forces françaises libres et celui des partisans et des résistants de toutes origines et de toutes nations, qui ont
combattu le nazisme.
Un 8 mai à deux visages : la victoire et l’oppression
Tandis que l’Europe célébrait la fin des combats, d’autres drames se déroulaient dans l’ombre des cérémonies.
En Algérie, le 8 mai 1945 fut aussi le théâtre d’un massacre sanglant. À Sétif, des milliers d’Algériens furent tués par les forces françaises à la suite de manifestations où des indépendantistes réclamaient la fin du colonialisme et l’application des principes proclamés par les Alliés : liberté, égalité, droit des peuples. La répression fut d’une brutalité extrême, marquant un tournant dans la conscience nationale algérienne.
De même, à Madagascar, où les tensions couvaient déjà, la liesse européenne masquait les prémices d’une autre tragédie : le refus obstiné de la puissance coloniale d’entendre les aspirations malgaches à l’autodétermination qui aboutira en 1947 à une répression féroce, nourrie par le même aveuglement impérial. Ces événements révèlent une douloureuse contradiction : comment célébrer la liberté retrouvée tout en niant celle des peuples colonisés ?
Commémorer le 8 mai, devant le monument au mort et devant les porteurs de drapeaux, c’est aussi se souvenir que la paix n’est jamais acquise.
Aujourd’hui encore, la guerre ravage l’Ukraine, où des peuples s’entredéchirent dans un conflit aux résonances tragiques derrière un théâtre d’ombres entretenu par d’autres puissances mondiales au rang desquelles les Etats-Unis et l’Union Européenne.
Au Proche-Orient, la violence militaire et terroriste, l’occupation israélienne, la haine dressent les peuples les uns contre les autres. Plus que jamais, nous devons porter la voix de la paix, celle d’une diplomatie qui refuse les logiques d’affrontement, qui cesse d’entretenir les conflits par matériaux de guerre interposés à coups de dollars ou d’euros, qui respecte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et qui condamne toutes les formes de colonialisme, d’impérialisme.
L’héritage du 8 mai nous oblige : pour que la mémoire nous éclaire et serve de rempart à la barbarie.
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